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Livres et identité

Comme toujours, quand je me lance à l’abordage de moi-même, les livres-aimés, les auteurs-aimés, me font des signes. Ils sont là. Ils m’habitent en désordre. Ils me comblent d’un fouillis. Tant de lectures depuis l’enfance m’ont laissé mieux que des souvenirs : des sentiments.

Ecrire en pays dominé, Patrick Chamoiseau, page 24

Savez-vous pourquoi vous lisez ? Savez-vous ce que la lecture vous apporte réellement ? Depuis sa création, le livre est un formidable outil de partage de connaissances. Parfois instrument de propagande, parfois instrument de libération, les livres sont bien plus puissants qu’on ne le pense. 

« J’ai un livre sur ma table de chevet. Parce que je n’ai pas de pistolet. » 

Un monstre est là, derrière la porte, Gaëlle Bélem, page 139 

Pour ma part, j’ai toujours aimé lire, et pourtant, ce n’est que récemment que la lecture m’a fait son plus bel apport : la prise de conscience de mon identité. En effet, ce n’est que depuis quelques années que j’ai une réelle connexion avec mes origines et que j’ai pris conscience de la richesse de l’histoire de mon île et de la force de mes ancêtres.

La question de l’identité occupe une place importante en Guadeloupe. Ses rivages ont vu autrefois se déverser une génération de déracinés arrachés à leurs terres africaines, des hommes avides de richesses et des travailleurs malheureux, tout cela au détriment des Arawaks et des Kalinagos, ses premiers habitants.  

La lecture de certains ouvrages m’a éveillé à la complexité de l’identité antillaise. Je vais vous présenter ceux qui ont été pour moi les éléments déclencheurs de cet éveil.

Comprendre la réalité de la colonisation avec Aimé Césaire

C’est un peu par hasard que j’ai décidé de lire le Discours sur le colonialisme et depuis il est devenu une oeuvre de référence dans mon panthéon livresque. C’est LE livre qui m’a fait véritablement m’interroger sur la question coloniale. Césaire y dénonce avec force les horreurs de la domination de l’homme par l’homme et balaie d’un revers de plume les arguments visant à trouver des justifications à la colonisation.  

« Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. »

Page 7

L’un des points qui m’a marqué c’est la manière dont il aborde le fait que la colonisation tend à déshumaniser non seulement le colonisé mais aussi le colonisateur. 

« La colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral […] Au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et « interrogés », de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès, lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. »

Page 12 

Notons ici l’utilisation par Aimé Césaire du mot « ensauvagement » (si souvent repris aujourd’hui pour propager des thèses racistes).

« La colonisation, je le répète, déshumaniste l’homme même le plus civilisé »

Page 21

Connaître l’histoire de ses ancêtres avec Christiane Taubira

Au sein de ma famille, la question de l’esclavage n’est jamais abordée. J’ai pu observer un certain tabou dans les familles antillaises surtout chez nos ainés. Cette période sombre est étudiée à l’école de manière assez succincte, du moins lorsque j’y étais. Pour faire simple, j’y ai appris que des africains ont vendu leur frères en échange de pacotilles. Evidemment l’histoire est beaucoup plus complexe que ne le laisse entendre les livres scolaires. 

« J’aime les Nègres marrons, mais aussi tous les insurgés, rebelles, mutins, résistants et abolitionnistes de toutes les époques et de toutes les causes. »

L’esclavage raconté à ma fille est un bon moyen pour connaitre l’histoire de l’esclavage et son impact. Il se présente sous la forme de question/réponse et a donc l’avantage d’être très pédagogique. L’analyse de Christiane Taubira est très juste et aborde aussi les problèmes contemporains. C’est un excellent livre quand on commence à s’intéresser à la question de l’esclavage et à son histoire. 

« La France, qui fut esclavagiste avant d’être abolitionniste, patrie des droits de l’homme ternie par les ombres et les « misères des Lumières ».

Etre fière de ses origines et des siens avec Lilian Thuram

Mes étoiles noires est un petit bijou à avoir dans sa bibliothèque. Il met en lumière des hommes et des femmes noires au parcours exceptionnel. Des inventeurs, des résistants, des artistes… si souvent oubliés de l’histoire quand ils n’ont pas été carrément effacés.

« Tous les enfants connaissent les fables de La Fontaine. Il serait bon que les professeurs expliquent le lien entre Esope et La Fontaine, le Noir et le Blanc. Dire aux élèves que l’intelligence n’a pas de couleur, c’est éduquer contre le racisme avec sensibilité, intelligence et humour. »

La question de la représentation occupe une place de plus en plus importante dans le débat public et ce livre est un excellent moyen de se rappeler que, de tous temps, des hommes et des femmes noirs ont contribué à l’histoire universelle. 

Ces trois livres sont donc les premiers qui m’ont permis de me reconnecter à mon identité. Bien sur, depuis j’en ai lu d’autres comme Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon ou encore Nations nègres et culture de Cheikh Anta Diop dont j’ai déjà parlé. Je terminerais sur ces mots de Cheikh Anta Diop :

«  Ce qui est indispensable à un peuple pour mieux orienter son évolution, c’est de connaitre ses origines, quelles qu’elles soient. » 

Nations nègres et culture, Cheikh Anta Diop

Lifestyle

10 astuces pour reprendre goût à la lecture

Si vous faites partie des personnes qui « lisaient plus avant », qui « lisaient quand elles étaient jeunes mais beaucoup moins maintenant » ou encore qui « ne trouvent plus le temps de lire », alors cet article est fait pour vous. 

En effet, j’entends souvent cela quand je discute de ma passion pour la lecture avec des proches. C’est pourquoi je voulais partager avec vous quelques astuces afin de reprendre goût à la lecture. 

Ma passion pour les livres remonte à l’enfance. Je lisais tellement que mes parents devaient parfois m’empêcher de lire toute la nuit la veille des jours d’école. Ensuite, pendant mes études, comme beaucoup, j’ai perdu un peu l’habitude et le goût de lire. Pourtant, j’ai renoué au fur et à mesure avec les livres ce qui m’a conduit à ouvrir ce blog. 

Contrairement à d’autres blogueurs littéraires, je ne lis pas une centaine de livres par an. Je n’ai pas forcément le temps et je ne lis pas assez vite pour cela. Le but de cet article n’est donc pas de vous donner des astuces pour lire un maximum de livres dans une année, mais simplement de vous donner quelques conseils pour renouer avec l’amour des livres. 

1. Commencer par un livre avec peu de pages

Nous habitons la Terre, Christiane Taubira, 160 pages

Tout d’abord, si cela fait longtemps que vous n’avez pas lu, je vous conseille de commencer par un livre avec un nombre raisonnable de pages. Si vous commencez directement avec un gros pavés de 800 pages, vous risquez de vous décourager (sauf si l’histoire est vraiment palpitante). Choisissez un auteur que vous aimez, le livre d’un film que vous avez adoré ou un genre que vous affectionnez. Ainsi, cette (re)découverte de la lecture se fera en douceur et sans frustration.

2. Intégrer la lecture dans sa routine

Quand on a perdu l’habitude de lire, on a souvent l’impression que c’est parce qu’on n’a pas le temps pour cela. Une des solutions est de visualiser vos journées et d’imaginer un moment consacré à la lecture. Ainsi, cela devient un objectif à réaliser, un petit plaisir quotidien, un moment rien qu’à vous.

3. Lire dans les transports et dans les salles d’attente 

Le métronome, Lorànt Deutsch

Vous êtes du genre à avoir les yeux rivés sur votre téléphone dans les transports ? Et si vous arrêtiez de scroller votre écran pour scroller les pages d’un bon livre ? L’avantage c’est que vous avez moins de chance de vous le faire arracher (sauf si vous me croisez et que je suis en manque de livres). Les transports bondés et les salles d’attente pleines de microbes sont souvent des lieux peu agréables mais vous pouvez aisément vous évader en lisant un livre.

4. Lire avant de dormir 

Encyclopédie du chien, Tome 3, Royal Canin

Beaucoup on du mal à dormir et cela est souvent dû aux effets de la lumière bleue produite par nos écrans. Avec les livres, pas de risque de lumière bleue. De plus, je peux vous garantir qu’on s’endort bien plus vite après avoir lu quelques pages. C’est donc une méthode à tester avant toute prise de somnifères. Cependant, je dois vous avertir que certains soirs, il peut vous arriver de ne plus pouvoir décrocher de votre lecture … 

5. Lire au réveil

Pour ceux qui n’auront pas passer la nuit à lire, vous pouvez prendre du temps le matin pour le faire. Un peu comme le principe du miracle morning qui consiste à se lever plus tôt pour faire ce que l’on aime, il suffit de mettre son réveil 30 minutes plus tôt et de bouquiner dans son lit, ou de prendre le temps de petit-déjeuner avec son livre. Commencer la journée en faisant quelque chose que l’on aime est très agréable. C’est aussi un moyen de se réveiller en douceur.

6. Faire une liste de livres à lire et visualiser sa PAL 

Faire une wish list de livres peut vous inciter à les lire. J’ai pour ambition, entre autre, de lire la saga complète des Rougon-Macquart ainsi que de lire les classiques de la négritude, de la créolité et de l’antillanité. Pour m’y retrouver, je note tout dans un carnet. Même si ma wish list est énorme, j’aime bien en sélectionner quelques uns et en faire une pile à lire (PAL). Comme j’aime visualiser les choses, je la place sur ma table de nuit. J’avais pour objectif de ne pas acheter de nouveaux livres tant que ma PAL ne serait pas terminée mais autant vous dire que j’ai craqué dès que j’ai mis les pieds dans une librairie.

7. Tenir un carnet de lecture

Depuis quelques années, on assiste au retour en force des carnets en tout genre. Les fans du bullet journal ne diront pas le contraire. Si vous aimez les carnets, tenir un carnet de lecture vous permettra de prendre des notes sur vos lectures, recopier les citations qui vous ont plu, attribuer une note à vos livres ou encore suivre le nombre de livres que vous avez lu dans l’année. 

8. Flâner dans les librairies 

Rien de mieux pour reprendre goût à la lecture que de flâner dans les jolies librairies de vos villes. Favorisez les libraires indépendants, discutez avec eux. Ces passionnés vous transmettrons aisément leur passion. Si vous habitez Paris, il y a des librairies mythiques comme Présence Africaine, la librairie spécialisée dans la littérature afro-caribéenne ou encore Shakespeare and Co qui était fréquentée par Ernest Emingway. Il y a plein de librairies spécialisées dans de nombreux domaines. N’hésitez pas à aller les découvrir. 

9. Se déconnecter

Le Prince, Nicolas Machiavel

On vit dans un monde ultra-connecté dans lequel le téléphone est devenu l’extension de notre bras. Il y a aussi beaucoup de propositions en matière de divertissements télévisuels et toujours une nouvelle série à regarder sur Netflix. Cependant, je vous assure que parfois ça fait vraiment du bien d’éteindre tout ça, surtout quand on a déjà passé une journée de travail/d’étude sur ordinateur. Apprendre à souffler un peu, à prendre le temps de vivre quelques instants loin des écrans est plus que nécessaire. Comme on nous l’avons vu, vous pouvez lire à la place de passer du temps sur vos écrans dans les transports, avant d’aller dormir etc.

10. Echanger avec des bookstagramers ou blogueurs littéraires

Dans mes bras : L’or des îles, Marie-Reine de Jaham ; Une brève histoire du temps, Stephen Hawking ; Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie, Harry Potter and the Chamber of Secrets, J.K. Rowling ; The Great Gatsby, F. Scott Fitzgerald

Enfin, n’hésitez pas à suivre des blogs littéraires ou des comptes bookstagram. Il y a toute une communauté bienveillante de passionnés qui seront ravis d’échanger avec vous sur certains livres. Lire les chroniques de livres qu’on a lu permet aussi d’avoir un autre point de vue que le sien et c’est très enrichissant. Si vous avez un compte bookstagram ou un blog, vous pouvez l’indiquer en commentaire !