It matters not what someone is born, but what they grow to be.
Harry Potter and the goblet of fire, J.K. Rowling, page 614-615
*Ce qui compte, ce n’est pas la naissance mais ce que l’on devient, Harry Potter et la coupe de feu, page 739

Depuis que J.K.Rowling est accusée de transphobie, de nombreuses critiques sont émises sur son oeuvre. Ainsi, certains accusent l’oeuvre de manquer de diversité, ou encore d’être une saga antisémite faisant l’apologie de l’esclavage.
Prônant la lutte contre le racisme et toute autre forme de discrimination, ces accusations n’ont pas manqué d’attirer mon attention.
Cet article ne porte pas sur les propos tenus par l’auteure mais simplement sur les critiques concernant le contenu de son oeuvre. En effet, ces accusations sont suffisamment graves pour qu’on se replonge notre saga d’enfance afin d’y trouver quelques réponses.
Un manque de diversité ?
Je commence par un sujet qui me tient à coeur, à savoir la représentativité. Tout d’abord, il convient de faire la différence entre les films et les livres. En effet, si on s’en tient uniquement aux adaptations cinématographiques, la grande majorité des personnages sont effectivement blancs ou même deviennent blancs. Cela fut le cas du personnage de Lavande Brown qui était interprétée par les actrices noires Kathleen Cauley (Harry Potter et la Chambre des secrets) et Jennifer Smith (Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban) avant d’être interprétée par Jessie Cave lorsque le personnage prend de l’importance, ce qui est assez regrettable. En revanche, dans les livres, l’auteure ne précise pas la couleur de peau de Lavande.
Elle ne se prononce pas non plus sur le personnage d’Hermione même si quelques indices auraient pu nous faire penser qu’il s’agit d’une jeune fille noire (ses cheveux frisés par exemple). C’est d’ailleurs une actrice noire, Noma Dumezweni, qui l’interprète dans la pièce Harry Potter et l’enfant maudit.
A l’exception de ces deux personnages où le doute est permis, la saga contient de nombreux personnages racisés auxquels beaucoup peuvent s’identifier. Loin des clichés, la description de leur caractère est très satisfaisante, d’autant plus que la saga a été écrite dans les années 90 à une époque où la question de la représentativité n’était pas autant d’actualité.
Il y a par exemple le charismatique Kingsley Shacklebolt, un sorcier très respecté qui deviendra même Ministre de la Magie. A t’on besoin de rappeler qu’à part Barack Obama, aucun homme noir n’a été à la tête d’un pays occidental. Nommer Kingsley Ministre de la Magie et donc à la tête du monde des sorciers britannique est un choix engagé de la part de l’auteure.
Il y a aussi le courageux et fidèle Dean Thomas qui participa à la bataille de Poudlard ou encore Lee Jordan, membre actif de la résistance notamment avec la radio Potterveille qui lutta contre le régime mis en place par Voldemort. Même s’il n’est pas très sympathique, Blaise Zabini, décrit comme un grand jeune homme noir avec des yeux en amande, a fait rêver pas mal de filles (et de garçons).
Angelina Johnson peut aussi être admirée. Très bonne joueuse de Quidditch, elle devint capitaine de l’équipe de Gryffondor. Elle participa également à la bataille de Poudlard et épousa George Weasley avec qui elle eu deux enfants.
On retrouve aussi les soeurs Patil, très présentes dans les livres, ou encore Cho Chang une fille intelligente et douée en Quidditch (qui, comme tous les personnages, a aussi ses défauts). Si le choix de son nom aurait pu être différent, on ne retrouve pas de clichés racistes dans la description du caractère de son personnage.
J’en ai déjà parlé ici, mais ce sont les divers personnages qui font la force de la saga Harry Potter. C’est assez appréciable de lire une oeuvre contenant autant de diversité sans être dérangé par quelconque clichés racistes. On aime les personnages pour leur caractère propre, pour leur humour, leur courage, leur loyauté, leur intelligence et ils sont pour beaucoup de lecteurs une source d’inspiration.
Le cas d’Hermione est intéressant car le fait de ne pas avoir précisé sa couleur de peau tout en lui donnant des caractéristiques qui peuvent être à la fois celles d’une jeune fille blanche ou celle d’une jeune fille noire permet à beaucoup de petites filles de s’identifier à son personnage.
Enfin, ce n’est pas non plus anodin que l’un des personnages les plus importants de la saga ait été amoureux d’une personne du même sexe. Si la saga n’est pas centrée sur les histoires de coeur de Dumbledore, cela est quand même un acte fort d’en avoir fait un personnage homosexuel. Certains regrettent que cette histoire n’ait pas été abordée plus profondément dans les livres mais il faut rappeler que Harry Potter n’est pas une histoire d’amour mais avant tout une saga héroïque. De plus, la romance entre Dumbledore et Grindelwald est abordée dans les films Les Animaux Fantastiques.
Ainsi, vous l’aurez compris, pour moi, et ce n’est que mon avis, les livres ne manquent pas de diversité et j’ai été heureuse lorsque j’étais petite de lire une histoire aussi incroyable avec des personnages qui me ressemblent.
Une saga antisémite ?
Je dois avouer ne pas avoir tout de suite compris la portée de cette accusation car la religion n’est jamais abordée dans les livres. Cependant, j’ai constaté que certains se sont offusqués en clamant que les Gobelins seraient une caricature antisémite des personnes juives. Les arguments avancés par ceux qui exposent cette théorie reposent sur le fait que les Gobelins ont « le nez crochu » et qu’ils contrôlent les banques et les finances du monde des sorciers.
Alors, comment vous dire que je n’avais jamais fait un tel rapprochement. J’ai plutôt l’impression que c’est la comparaison faite par ceux qui formulent de telles accusations qui est antisémite. A quel moment peut-on faire un rapprochement entre des gobelins, créatures non humaines, et des êtres humains de confession juive ?D’autant plus que le fil conducteur de la saga peut-être comparée à la lutte contre le régime nazi.
Tout d’abord, Voldemort présente des similitudes importantes avec Adolf Hitler. Il est obsédé par la pureté du sang des sorciers alors que lui-même est un sang mêlé, tout comme Hitler était obsédé par la race aryenne alors même qu’il aurait eu des origines juives. De plus, Voldemort n’est autre que le descendant de Salazar Serpentard dont les initiales renvoient au tristement célèbre corps des SS formé par Hitler.
Ensuite, la prise de pouvoir de Voldemort s’accompagne de la mise en place d’un régime autoritaire proche du régime nazi. En effet, ce régime repose sur la supériorité d’une catégorie de personne, les sorciers au sang-pur, par rapport aux sorciers nés-moldus. On retrouve donc la notion de supériorité de la race revendiquée par le nazisme.
Même si les prérogatives du Ministère de la Magie ont toujours été un peu floues au long de la saga (intervention du Ministère dans l’administration de Poudlard avec Dolores Ombrage et contrôle de la presse notamment de la Gazette du Sorcier), le pouvoir de ce dernier devient sans limite sous le règne de Voldemort.
Les moldus, tout comme le furent les juifs et autres minorités sous le régime nazi, sont la cible du pouvoir en place. Une propagande anti-moldus est instaurée avec par exemple la brochure intitulée « Les Sang-de-Bourbe et les dangers qu’ils représentent pour une société de Sang-Pur désireux de vivre en paix ». Objet d’une véritable persécution, ils sont expulsés de Poudlard, accusés de voler le pouvoir des sorciers et forcés de prendre la fuite.

De même, la « Commission d’enregistrement des né-moldus » dirigée par Ombrage ne manque pas de rappeler le fichage des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Après un interrogatoire, les sorciers nés-moldus sont privés de leur baguette et envoyés à Azkaban.

Il y a aussi les raffleurs, sorciers chargés de traquer et de capturer les moldus, qui font penser aux kapos. Ces derniers étaient recrutés parmi les prisonniers de droit commun les plus violents pour encadrer les prisonniers des camps de concentration nazis.
On peut aussi citer le symbole de la marque des ténèbres, emblème du régime de Voldemort comme la croix gammée était celle du régime d’Hitler. De même, la statue qui remplace la Fontaine de la Fraternité Magique au Ministère de la Magie, représente bien l’esprit de ce régime totalitaire. Nommée La Magie est Puissance, elle représente en effet un couple de sorcier à l’air hautain assis sur un trône fait de corps de Moldus.

Enfin, face à ce régime, une véritable résistance se met en place avec pour héros le personnage d’Harry Potter. On trouve encore des similitudes avec la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, un des moyens de communication des résistants est la radio et notamment la radio Potterveille qui peut faire penser à la célèbre Radio Londres. Tout comme les résistants au régime Nazi, les ennemis de Voldemort se regroupent dans des organisations comme L’Armée de Dumbledore ou L’Ordre du Phénix.
Pourquoi l’auteure aurait dénoncé un tel régime dans son oeuvre si elle voulait propager une idéologie antisémite ? Cela n’a tout simplement aucun sens.
Une apologie de l’esclavage ?
Enfin, terminons avec l’accusation d’apologie de l’esclavage. En effet, certains remettent en cause l’attitude des elfes de maison qui semblent plutôt bien s’accommoder de leur sort. Il est vrai que ces derniers ne semblent pas vouloir se rebeller et que Dobby fait figure d’exception. La présentation qui est faite dans les livres de ces esclaves qui, pour certains, aiment leur statut comme l’elfe Winky peut tout à fait choquer.
Cependant, encore une fois, il y a une véritable critique dans les livres. Ainsi, la cruauté de la famille Malefoy envers Dobby se retourne contre elle puisque Dobby est celui qui sauve Harry de leur manoir. De même, le combat mené par Hermione est à saluer. Avec son association « la Société d’Aide à la Libération des Elfes« , elle s’est battue pour éveiller les consciences sur le sort des elfes de maison.
Il n’y a donc pas d’apologie de l’esclavage mais bien une dénonciation de la privation de liberté de certains êtres. Aucun lien ne peut être fait ici avec la traite négrière car les conditions sont bien différentes : il n’y pas eu de rapt et de déportation et les elfes ne se sont pas rebellés pour leur liberté comme l’on fait les esclaves. J.K.Rowling montre que le statut des elfes est inacceptable et doit être remis en cause. Dans une société qui semble peu soucieuse de leur sort, elle fait intervenir Hermione, elle-même victime de la discrimination anti-moldus, pour changer les mentalités.
En conclusion, on peut ne pas être d’accord avec les propos que l’auteure a tenu sans pour autant chercher à discréditer son oeuvre. Chacun a son opinion sur la fameuse question de savoir s’il faut séparer l’oeuvre de l’auteur mais on ne peut nier que la saga Harry Potter prône des valeurs dans lesquelles un grand nombre de personnes peuvent se reconnaître. Les valeurs de Poudlard sont la tolérance, le courage, l’amitié, l’amour et l’acceptation. C’est la raison du succès international de la saga. Chacun peut se sentir le bienvenu dans cet univers.
Que les propos de J.K.Rowling aient choqué est un fait, cependant, l’univers qu’elle a créé est en dehors de la polémique. Il faut sans cesse dénoncer le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et toute forme de discrimination mais il ne faut pas banaliser ou ridiculiser ces luttes en attaquant une oeuvre à tort.